Gouvernance d’entreprise durable: plus de carottes et moins de bâtons

La CEC European Managers se réjouit de la nouvelle initiative de gouvernance d’entreprise durable de l’UE. Dans sa réponse à la consultation de la Commission européenne, la CEC souligne le besoin urgent d’instaurer des incitants juridiques et fiscaux, mais aussi de soutenir une culture et une pratique de leadership adaptées aux besoins futurs. La transition vers une économie zéro carbone exige un leadership européen de haut niveau et cette excellence doit être favorisée par la formation, des environnements propres aux tests expérimentaux et la sensibilisation. Comme le montre l’étude de la CEC sur le «Leadership durable en Europe», une grande majorité de cadres européens n’ont actuellement pas les ressources nécessaires pour évaluer avec pertinence les besoins ou procéder à une analyse des parties prenantes – et n’ont, encore moins, le niveau de qualité adéquat requis pour ces exercices.

C’est dans le prolongement du Pacte vert européen que la Commission européenne a annoncé le lancement d’une initiative sur la gouvernance d’entreprise durable en 2021. Cette initiative figurait parmi les objectifs du Plan d’action pour une économie circulaire, de la stratégie sur la biodiversité et de la stratégie « de la ferme à l’assiette » ; la Commission européenne a déjà introduit une législation sur les informations non financières (NFRD), ainsi qu’une réglementation sur la divulgation des risques en matière de durabilité. Alors que ces dernières sont des incitations à «établir des rapports», l’initiative de gouvernance d’entreprise durable vise, elle, à introduire des obligations de faire par le biais, par exemple, de primes d’entreprise ou d’analyses d’impact des parties prenantes.

Seule une minorité de la population managériale a une connaissance des cadres de développement durable et sa connaissance est encore moindre s’agissant des politiques européennes (Pastore 2020: Leadership durable en Europe)

Bien qu’il soit nécessaire d’établir des rapports et de créer des incitants pour agir de manière durable et apporter des conditions de concurrence équitables plus favorables, il apparait de la plus haute importance de prendre également en compte la dimension du leadership dans la transition verte et équitable. Outre la nécessité de «rendre compte» et de «faire», l’UE a besoin d’une «vision» et d’une «capacité» communes de changer son modèle économique. Ce sont des défis de leadership. Pour garantir la création d’une économie européenne durable, les cadres et managers doivent participer activement à la solution de modèles commerciaux plus verts et plus équitables. Faute de quoi ces obligations légales ne se réduiront qu’au simple exercice de « cocher des cases » et laisseront passer l’occasion d’un changement transformateur de l’industrie européenne, de la culture du leadership et celle d’améliorer le progrès économique, social et environnemental.

CEC European Managers plaide pour un modèle de parties prenantes, pour un dialogue social et une orientation à long terme dans la définition du management. De nombreux éléments de la gouvernance d’entreprise durable, comme le devoir de diligence, doivent, dans la mesure du possible, être définis par les organes de dialogue social et uniquement en leur absence, par le gouvernement. Pour les entreprises dont l’éthique managériale est insoutenable, ces obligations pourraient inciter à un changement d’approche. Sans un changement de valeurs et de compétences de transition, ces efforts ne mèneront cependant pas loin. Comme le montre notre projet de leadership durable, nous devons avant tout travailler sur les valeurs, les compétences, les comportements et les connaissances nécessaires pour réussir ce processus de transformation historique.

Contexte: preuves de la vision à court terme dans la gestion européenne

La Commission européenne a commandé une étude sur les devoirs des administrateurs et la gouvernance d’entreprise durable pour analyser l’intégration de la durabilité dans leurs activités. Cette étude constate que la durabilité est trop souvent négligée pour des motifs financiers à court terme. Dans une certaine mesure, les auteurs affirment que «le court-termisme des entreprises trouve ses causes profondes dans les cadres réglementaires et les pratiques du marché». En outre, «les données indiquent une tendance à la hausse des dividendes versés aux actionnaires, qui sont passés de 20% à 60% du revenu net, tandis que le ratio des investissements (dépenses en capital) et des dépenses de R&D sur le revenu net a diminué respectivement de 45% et 38%. ” En ce qui concerne le devoir de diligence, une étude de l’UE sur ce sujet a révélé qu’une seule grande entreprise sur trois prétend faire preuve d’une diligence raisonnable, prenant en compte tous les droits de l’homme et les impacts environnementaux. Malgré ce faible nombre, 70% des entreprises de l’UE ont convenu que la réglementation de l’UE pourrait offrir des avantages pour les entreprises, notamment la sécurité juridique, des règles de jeu équitables et une protection en cas de litige.