La politique européenne migratoire : entre hystérie et opportunité

A l’heure actuelle, l’Europe doit faire face aux opinions divergentes entre ses Etats membres et au sein de sa société, comme les débats sur une politique migratoire commune le montrent . Comment la politique migratoire, en général, et les politiques du marché du travail, en particulier, peuvent-elles contribuer à faire baisser les tensions actuelles et offrir des perspectives réalistes aux nouveaux arrivants en Europe ? Et comment l’Europe peut-elle mieux attirer les talents ?  

Alors que le sujet constitue un enjeu aujourd’hui et figure en tête de l’agenda politique et médiatique européen, il n’en va pas de même pour les citoyens, dont les opinions restent plutôt stables partout en Europe[1].Les migrants y sont perçus différemment, selon leurs origines ethniques et leur pays d’origine[2].

Fragmentation des opinions, divergence des politiques

Les jeunes, les plus éduqués, la classe moyenne et les personnes qui ont un héritage migratoire ont tendance à être plus positifs à l’égard de la migration. En revanche, les personnes plus âgées, les personnes peu qualifiées ou sans qualifications, la classe ouvrière et les personnes sans héritage migratoire ont tendance à être plus négatifs à l’égard de la migration[3].

En ce qui concerne la comparaison entre les Etats, le succès de l’intégration, au sens économique et culturel du terme, est souvent associé à l’opinion publique et au type de politique migratoire. La relation entre ces deux facteurs reste, néanmoins, controversée[4]:

D’un côté, les pays ayant une politique inclusive de migration, d’intégration et du marché de l’emploi sont également ceux où les citoyens ont des attitudes plus accueillantes face à la migration et se sentent moins menacés. De l’autre côté, les pays qui ont des politiques moins inclusives de migration, d’intégration et du marché de l’emploi ont des citoyens qui perçoivent les migrants comme une menace, alors que ces pays ont souvent peu de migrants[5]. L’aperçu (voir tableau[6]) sur une série d’états (UE et hors-UE) souligne les différences d’attitudes envers les effets économiques et culturels des migrations.

Ces résultats démontrent que des flux migratoires nets élevés ne sont pas, en soi, la raison des attitudes négatives envers l’immigration. L’effet inverse pourrait même s’avérer vrai dans certains cas[7]. Il s’agit plutôt d’une perception négative de la situation économique, d’une crainte liée à l’identité culturelle et d’un discours public et médiatique générant un sentiment de menace (par exemple sur le terrorisme) qui semblent nourrir les visions négatives de l’immigration[8].

Définir les politiques d’intégration

Outre les attitudes individuelles des résidents, l’opinion publique et les spécificités des nouveaux arrivants, de solides politiques publiques ont montré qu’elles étaient capables de faciliter l’intégration. L‘indice MIPEX (MIPEX, un projet géré par le Barcelona Centre for International Affairs, co-financé par la Commission européenne) mesure les politiques qui ont un impact sur les migrants à l’aide de 167 indicateurs (qui couvrent plusieurs domaines, tels que la formation, la santé et le marché du travail). Etant un des piliers principaux de l’intégration, la participation au marché du travail est particulièrement importante pour des raisons à la fois culturelles et économiques.

L’analyse de cet index identifie les éléments de bonnes pratiques en matière d’intégration des migrants, indépendamment d’autres objectifs publics[9],tels que: le droit de travailler, d’accéder à chances égales au marché du travail en ayant accès à des postes aussi bien dans le secteurs public que privé que dans un délai limité après l’arrivée, mais aussi, la reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger, l’accès à la formation (y compris linguistique), l’accès à des services ciblés tels que des formations spécifiques liées au travail, à du mentoring professionnel ou encore à des services publics de l’emploi spécialisés, et enfin, à l’égalité des droits en tant que travailleur, une fois que celui-ci est en situation d’emploi.

Migrants hautement qualifiés

La fragmentation de l’Europe est également évidente par rapport à la question des migrants hautement qualifiés provenant de l’extérieur de l’Union (qui pourraient représenter une source potentielle de nouveaux cadres pour tous ces pays en manque de main d’œuvre managériale). Bien que la part de migrants hautement qualifiés soit en augmentation et atteigne les 30% du total des migrants pour les pays de l’OCDE, les différentes tentatives de l’UE pour les attirer (Comme, par exemple, l’introduction de la Carte bleue européenne pour les citoyens tiers hautement qualifiés) ont eu peu de succès. Cette situation contraste avec la situation actuelle de l’Europe, où l’arrivée de migrants hautement qualifiés pourrait être positive pour la compétitivité, les investissements, l’innovation et le renforcement des finances publiques.

A cause des niveaux très bas de mobilité intra-européenne, nous assistons en Europe à une pénurie de compétences et, en même temps, à des taux de chômage très élevés chez les jeunes. Promouvoir la mobilité professionnelle des citoyens européens ainsi que celle des citoyens des pays-tiers demeure un moyen fondamental pour résoudre ces problèmes, au même titre que toute mesure capable d’augmenter l’attractivité. Si le principe de la liberté de circulation des travailleurs s’applique bien aux citoyens européens, il en est tout autrement pour les citoyens (hautement qualifiés) des pays tiers, qui doivent faire face à toute une série d’obstacles lorsqu’ils se rendent en UE ou circulent en UE,  tels que, par exemple, la reconnaissance des documents et des qualifications, la langue ou le permis de travail[10]. Les facteurs d’attraction pour les étrangers hautement qualifiés sont un salaire plus avantageux, des opportunités d’emploi, un cadre institutionnel stable, des réseaux sociaux, la distance géographique (ou son absence), le climat social dans le pays d’accueil, mais potentiellement aussi les provisions d’un état providence[11].

Pour relever les défis et pour utiliser les opportunités qu’offre la migration, un meilleur cadre politique de la politique migratoire européenne est nécessaire pour ouvrir des voies de migration légales claires. Alors qu’il existe des différences significatives entre les Etats membres sur le périmètre et la conception d’une politique migratoire européenne, il semble évident qu’une telle politique ne pourra réussir que si elle crée un cadre cohérent et intégré, aligné aux autres objectifs des politiques publiques, notamment dans les domaines de l’emploi, du marché du travail et des politiques sociales.

 

Sources:

[5] Ibid.

[8] Overseas Development Institute 2017, p. 15 ff. : https://euagenda.eu/upload/publications/untitled-92767-ea.pdf