Le terrorisme: une responsabilité de tous

Une autre attaque, une autre occasion pour des considérations politiques de court-terme, qui dominent l’agenda public. Faire face au problème du terrorisme et d’ une jeunesse désespérée dans beaucoup de villes et régions européennes est crucial. Cependant, pour trouver des solutions efficaces, nous devons garder la tête froide et analyser la situation actuelle.

En tant que l’un des six partenaires sociaux européens reconnus, il nous apparaît de notre devoir de contribuer à ce débat important, fondé sur quelques-unes des valeurs les plus importantes que nous avons en Europe : la liberté et la sécurité. Cet article est une brève présentation de la situation du terrorisme en Europe, de ce que peuvent faire les managers dans leurs milieux de travail et de la manière dont les politiques publiques peuvent agir grâce à la prévention et par les mesures d’urgence.

Le terrorisme en Europe

Le terrorisme est généralement considéré comme un phénomène visant à provoquer la mort ou des blessures pour déstabiliser les régimes (démocratiques) et créer un état de terreur dans la population. Le terrorisme peut être motivé par des considérations multiples, y compris des raisons philosophiques, idéologiques, raciales, ethniques, de sexe ou socio-économiques. La radicalisation s’effectue dans un processus interactif entre l’individu et les influences externes, comme par exemple les amis, la famille ou les recruteurs terroristes (1).

En regardant les chiffres du terrorisme en Europe, on s’aperçoit que l’histoire des victimes du terrorisme est beaucoup plus longue que l’histoire du terrorisme islamiste.

Schéma 1: Terrorisme en Europe – morts par mois
source: Washington Post 2016 (lien)

 

D’autre part, la comparaison du nombre des morts lié au terrorisme avec le nombre d’homicides (les victimes du terrorisme y sont comprises) et le taux de criminalité montre que le poids du terrorisme est relativement faible. En 2015, environ 4500 homicides ont été recensés dans l’UE28 (2). En ce qui concerne le développement des homicides, son nombre est même en déclin depuis 2008, alors que le nombre de viols a augmenté considérablement (3).

Même si ces indicateurs peuvent atténuer les exagérations en termes de chiffres en ce qui concerne les risques de mort, ils ne nous indiquent pas les aspects qualitatifs du terrorisme et des peurs liées. Le flux permanent d’informations sur le terrorisme et un discours politique davantage centré sur la sécurité laissent des traces dans l’opinion publique, avec 40% des citoyens de l’UE affirmant qu’il y a un « risque élevé » d’attaque terroriste dans leur pays (5).

Types de mesures contre le terrorisme

En ce qui concerne les mesures contre le terrorisme, on peut différencier les mesures à long terme des mesures à court-terme. Afin de combattre le terrorisme de manière efficace, les individus, les organisations et la société doivent devenir plus résistants et plus réactifs à de multiples niveaux. Avant tout, il est important de ne pas tomber dans le piège de la peur et du manque de prévoyance politique.

Les mesures les plus évidentes sont les politiques d’urgence en cas d’attaque, autrement dit, la question de comment limiter les dommages. Les approches dites « tous risques » peuvent aider les organisations ou le gouvernement à analyser et évaluer la diversité des risques et les réponses potentielles aux désastres majeurs d’origine naturelle ou humaine. Il est important de ne pas se concentrer sur un seul risque, comme le terrorisme, parce qu’une telle attitude peut cacher d’autres risques ou consommer les ressources nécessaires à des cas d’urgence dans d’autres domaines. Pour l’ouragan Katrina, par exemple, le changement des priorités aux Etats-Unis (lutte contre le terrorisme) a rendu les mesures des gouvernements locaux et fédéraux en termes d’atténuation, de réponse et de reconstruction inadéquates (6).

La gestion de la sécurité dans les organisations doit mettre l’accent sur les manières de protéger les actifs, les données, la santé et sécurité des employés et la manière dont la sécurité peut être garantie face à des risques multiples.

En ce qui concerne les mesures de plus long-terme, la stratégie mondiale contre le terrorisme des Nations unies définit une approche holistique pour combattre le terrorisme. Elle comprend (7) :

  1. Les mesures qui visent à remédier aux conditions propices à la diffusion du terrorisme
  2. Les mesures qui visent la prévention et le combat du terrorisme et
  3. Les mesures qui garantissent le respect des droits de l’homme pour tous et l’État de droit comme base fondamentale de la lutte contre le terrorisme

Le premier type de mesures comprend des politiques de sécurité visant à combattre les flux financiers ou les réseaux de recrutement, entre autres.

Plus importante pour la plupart des cadres, est la deuxième catégorie de mesures. En termes de prévention, un grand nombre d’acteurs est impliqué. Les paragraphes suivants montrent ce que les cadres peuvent faire dans leur milieu de travail.

Tout d’abord, il s’agit d’identifier les conditions potentiellement favorables au terrorisme, sans pourtant identifier des stéréotypes de terroristes, qui n’existent pas en réalité (1). L’ONU et la OSCE reconnaissent les facteurs suivants : « les conflits qui perdurent, la déshumanisation des victimes du terrorisme dans tous ses formes et manifestations, un l’État de droit insuffisant, la violation des droits de l’homme, la discrimination ethnique, nationale ou religieuse, l’exclusion politique, la marginalisation socio-économique et l’absence de bonne gouvernance. ». D’autres facteurs peuvent aussi contribuer à la radicalisation menant au terrorisme, telles que des violations des droits de l’homme (y compris ceux de la lutte antiterroriste), la pauvreté relative, l’absence d’accès à l’éducation, ou bien des problèmes d’ordre psychologique, interrelationnel ou idéologique (1).

Deuxièmement, agir dans le milieu de travail signifie réduire les facteurs, qui facilitent la radicalisation : les sentiments négatifs de déconnexion, se « sentir étrange » comme par exemple le sentiment d’exclusion, de rejet, de précarité, d’humiliation, de victimisation, d’injustice, de frustration, de révolte ou de supériorité.  Il est également important de lutter contre les narratifs et les idées, qui légitiment ou atténuent le terrorisme et son idéologie. Plus concrètement, les cadres peuvent créer des espaces de sécurité, établir du soutien psychologique (parfois dans la forme d’une personne de confiance), du mentorat, le soutien de l’engagement civique, des arts ou du sport. La pensée critique et l’autoréflexion sont également importantes pour encourager les personnes à s’interroger sur leurs propres conceptions et sur celles de leur entourage (8).

Enfin, il est important d’intégrer ces considérations dans une approche stratégique de prévention des risques. Les politiques d’entreprise dans les domaines de l’égalité, de l’anti-discrimination, de la sécurité (et de la sécurité sur internet), les règles de conduite, de la protection des lanceurs d’alertes et autres peuvent réduire les risques de radicalisation, mais aussi d’autres types de risques, tels que les risques pour la santé mentale.

Avec le renforcement évoqué des politiques de sécurité, un dernier type de mesures devient de plus en plus important pour les cadres: la protection des droits de l’homme. Ici aussi, il s’agit d’analyser la situation et les risques, et de les contrebalancer dans le respect des droits de l’homme (liberté, sécurité, protection de la vie privée etc.) et de la législation du travail. Les entreprises peuvent adopter une approche proactive par un engagement avec des organisations de la société civile, par la promotion des droits de l’homme et des valeurs fondamentales, par leur participation au débat public et, par-delà, bien-sûr, influencer l’agenda politique pour une approche plus équilibrée et à long-terme de la lutte antiterroriste.

Sources

(1) OSCE 2014: p. 35, 36. Preventing Terrorism and Countering Violent Extremism and Radicalization that Lead to Terrorism: A Community-Policing Approach. http://www.osce.org/atu/111438?download=true

(2) Eurostat (2008 – 2015): http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=crim_off_cat&lang=en

(3) Eurostat 2016: http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Crime_and_criminal_justice_statistics

(4) Egmont institute 2016: http://www.egmontinstitute.be/wp-content/uploads/2016/09/SPB77.pdf

(5) Special Eurobarometer of the European Parliament 2016:  http://www.europarl.europa.eu/pdf/eurobarometre/2016/attentes/eb85_1_synthesis_perceptions_wishes_terrorism_en.pdf

(6) Brookings 2013 https://www.brookings.edu/opinions/counter-terrorism-and-emergency-management-keeping-a-proper-balance/

(7) The UN Global Counter Terrorism Strategy, op. cit., note 8; OSCE, “Ministerial Statement on Supporting the United Nations Global Counter Terrorism Strategy”, op. cit., note 20

(8) OSCE 2014: p.46. Preventing Terrorism and Countering Violent Extremism and Radicalization that Lead to Terrorism: A Community-Policing Approach. http://www.osce.org/atu/111438?download=true